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À notre lecteur

Le blog GRUNDRISSE – PSYCHANALYSE ET CAPITALISME se donne pour objet d’explorer à nouveau les rapports entre capitalisme et psychanalyse afin de renouer avec une critique radicale du sujet dont la psychanalyse est porteuse. L’hypothèse de l’inconscient représente une rupture avec la psychologie individuelle promue par les auteurs libéraux dès la révolution industrielle. Toutefois un noyau d’individualisme dû à sa méthode (l’inconscient ne s’explore qu’au singulier) a pu égarer la psychanalyse sur la voie d’une réconciliation avec l’ordre existant. Cette réconciliation peut prendre soit la forme d’une adaptation « thérapeutique » du sujet à la société, soit la recherche d’une absolue singularité parfois valorisée au titre de l’« identification au symptôme ». Ces deux solutions caractérisent les deux pôles d’une opposition superficielle entre sujet et société, qui méconnaît alors leur processus moderne de séparation et ses problèmes ontologiques spécifiques.

La psychanalyse ne saurait ignorer le moment historique et le lieu de sa propre apparition, aussi bien comme théorie que comme pratique. Elle doit donc les intégrer à sa réflexivité. De manière corollaire, la critique marxienne de l’économie politique ne saurait se passer d’une critique du sujet. Celle-ci a été le plus souvent traitée à la légère dans la tradition marxiste. L’une des difficultés de cette double critique est de les situer rigoureusement l’une en regard de l’autre, autrement que dans un simple amalgame. La « connexion intérieure de la forme sujet et de l’objectivation fétichiste » (Robert Kurz) reste notamment à expliciter.

Il s’agit en effet d’expliquer pourquoi, devant le désastre généralisé dont le simple journal informe tous les jours en temps réel, c’est l’indifférence, la paralysie, le consentement, l’opportunisme, ou encore la colère populiste et le refuge dans les identitarismes, qui continuent de dominer la critique du système capitaliste, sans toucher à ses fondements.

La persistance de critiques fragmentaires allergiques à l’idée de totalité pérennise une sorte de « chacun son symptôme » qui positive, contre leur intention, « l’invention du symptôme » par Marx et par Freud (pour parler ici comme Jacques Lacan). Il n’est pas question ici de dénonciation abstraite mais d’une analyse articulée des conditions négatives (celles qui précisément font l’objet d’une plainte individuelle ou collective), ce qui seul prépare et permet des lignes de rupture.

Car si le symptôme est inaccessible à la morale comme à la réforme, il n’est jamais question en psychanalyse de s’en faire le complice. La même chose vaut sur le plan collectif. Plutôt donc que d’en appeler une énième fois à un sujet révolutionnaire qui a fait défaut à sa mission historique, nous examinerons ses impasses sans nous réconcilier avec un état des choses qui ne mérite, disons-nous, pas la moindre complaisance.

Nous le ferons en prenant appui sur les concepts fondamentaux de la psychanalyse et ses diverses théorisations du collectif et du politique (freudo-marxisme, lacano-marxisme, psychologie sociale, politique de la psychanalyse, etc.) ; mais aussi sur la théorie critique, la critique de la valeur-dissociation, la critique du système techno-scientifique et du sujet de la science, et toutes les analyses qui nous paraissent apporter un éclairage à la crise du capitalisme et à sa forme-sujet. Nous exhumerons parfois certains textes oubliés et les traduirons au besoin. D’autres fois, nous commenterons des discours tenus dans la plus brûlante actualité.

L’ensemble de ces contributions doit aider à dégager peu à peu un terrain commun sur lequel pourra se faire une rencontre affûtée entre psychanalyse et critique du capitalisme, rien n’étant moins évident ni moins immédiat qu’une telle rencontre. Ce faisant, nous ne manquerons pas de critiquer l’universalisation du paradigme comportementaliste et toutes les formes de la « psychanalyse révisée » (Adorno) incluant les interventions politiques opportunistes des psychanalystes. A la faveur des problématiques tirées des « disciplines affines », nous nous éloignerons souvent de la psychanalyse pour mieux y revenir ensuite. Car il s’agit autant de restituer à la psychanalyse son fondement critique que d’amener la critique du capitalisme à ne plus méconnaître la question du sujet de l’inconscient. Ce double mouvement ne peut pas être réalisé de manière synthétique.